Changement de Constitution au Togo : Un contrat social rédigé dans la division et l’exclusion

Changement de Constitution au Togo : Un contrat social rédigé dans la division et l’exclusion

C’est un secret de polichinelle que les togolais se sont réveillés le 26 mars 2024 avec la surprise désagréable de constater que les députés à l’Assemblée nationale ont, dans la nuit du 25 mars 2024, changé de Constitution. Cette situation a suscité un tôlé généralisé et une véritable levée de boucliers qui ont obligé le Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé à demander une seconde lecture. Mais face aux critiques des uns et des autres laissant entrevoir une montée de la tension populaire, après un entretien avec la présidente de l’Assemblée et des députés, le président Faure a souhaité une large consultation menée par les élus. Ainsi, les 08, 09 et 10 avril 2024, des députés ont effectué une tournée nationale pour informer et écouter les populations.

Le constat qui a été fait, c’est qu’en lieu et place de réelles consultations, il a été plutôt question de séances d’explication des aspects positifs du régime parlementaire qu’opte le Parlement. Le choix des personnes et groupes constitués rencontrés a été fait dans l’exclusion sur la base, parfois de suspicion. D’aucuns n’ont pas hésité à traiter cette tournée marathon des députés de « comédie ». Selon eux, un réel travail de fond n’a pas été fait. Ils ne comprennent pas comment, en quelques heures de discussions, on peut expliquer une Constitution de plusieurs articles à la majorité des populations.

Jusqu’à ce jour, des voix s’élèvent pour dénoncer cette initiative de réécriture d’une Constitution qui est un contrat social, dans la division et l’exclusion. La majorité des togolais exhorte le président de la République à faire retirer purement et simplement la nouvelle loi fondamentale et à laisser l’opportunité d’un réel débat national et inclusif sur la question après les élections législatives et régionales. Pour les uns et les autres la nouvelle loi créerait beaucoup plus de problèmes tant sur le plan national qu’international contrairement aux arguments avancés par les initiateurs.

Fait rare, quarante-sept (47) universitaires ont adressé, le 09 avril 2024, une lettre au Chef de l’Etat, Faure Gnassingbé pour exprimer leur position. Voici la teneur de cette lettre.

Excellence Monsieur le Président,

Dans la nuit du 25 mars 2024, l’Assemblée nationale togolaise dont le mandat a normalement pris fin depuis décembre 2023, a adopté une nouvelle Constitution qui prévoit un régime parlementaire en lieu et place du régime semi-présidentiel consacré par la Constitution de 1992 adopté par référendum par plus de 97% des Togolais.

La nouvelle Constitution vous a été soumise pour promulgation. Mais en raison de la levée de boucliers des citoyens et du caractère impopulaire du texte, vous l’avez renvoyé à l’Assemblée pour une relecture.

Le mercredi 03 avril 2024, contre toute attente, vous avez suspendu, par un communiqué, la campagne électorale pour permettre à l’Assemblée nationale de délibérer une deuxième fois sur ce projet de changement de Constitution avant l’organisation des élections législatives prévues, initialement, le 20 avril 2024. L’entreprise initiée depuis quelques semaines par les députés, appelle des observations suivantes :

  1. La démarche entreprise par une Assemblée nationale en fin de mandat porte les germes d’une crise sociale aux conséquences imprévisibles.
  2. Elle est inopportune en ce moment où le Peuple togolais se mobilise pour élire une nouvelle Assemblée nationale et désigner ses élus régionaux.
  3. Aux termes du Titre XIII de la Constitution de 1992, l’Assemblée nationale ne dispose que du pouvoir de révision de la Constitution. Elle peut l’exercer seule ou avec le Président de la République et le Peuple.
  4. L’Assemblée nationale ne peut, en aucun cas, adopter une nouvelle Constitution ni au cours de son mandat ordinaire, ni pendant le prolongement de celui-ci.
  5. La Constitution représente le contrat social dans toute société. Dans les régimes démocratiques contemporains, l’adoption d’une nouvelle Constitution est, par principe, un pouvoir qui appartient au Peuple qui l’exerce par référendum. Telle est, du reste, la pratique coutumière constante en vigueur au Togo depuis l’indépendance. Les Constitutions des 1er, 2ème, 3ème et 4ème République ont toutes été soumises au référendum.
  6. Conformément à l’article 59 de la Constitution togolaise, tout changement qui remettrait en cause le mode d’élection du Président de la République ou son mandat implique l’organisation d’un référendum. L’entreprise de modification en cours s’apparente donc à une fraude à la Constitution.

C’est pourquoi, nous universitaires togolais, conscients de notre mission d’éclaireurs sans parti pris, désapprouvons totalement le processus en cours tant dans son principe que dans son opportunité.

L’élaboration d’une nouvelle Constitution, texte fondamental devant régir notre pays, ne peut se faire dans un climat de tension et de forte contestation. Elle exige un minimum de consensus.

Par conséquent, nous vous prions, Excellence, M. Le Président de la République d’arrêter le processus d’adoption d’une nouvelle Constitution afin que le débat sur le changement constitutionnel se fasse par de nouveaux députés élus dans des conditions d’équité et de transparence et surtout par les citoyens qui seront appelés à se prononcer par voie référendaire.

La Rédaction

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